Voyage en pays étrange(r).Comme le dernier cours a sauté j’en ai profité pour aller faire quelques courses sur la Canebière car Noël approche. J’aime bien me promener sur le Canebière avec ses riches devantures, son animation, ses vendeurs de billets de tombola, et de brousses chaudes.
Je suis allée à la librairie Maupetit mais ils n’avaient l’ouvrage voulu. Je suis donc redescendue vers la librairie Flammarion située un peu plus bas.
En descendant je passe devant le théâtre du Gymnase et je vois une pancarte indiquant lycée Thiers (homme politique dont on n’indique jamais le prénom). Pourquoi ne pas aller y faire un tour ; juste pour voir où il (le garçon du 26 vous vous en souvenez ?) travaille.
Petite place minable, hauts murs, fenêtres barreaudées, grande porte de fer …

Bref les Baumettes pour lycéens. Il y a quelques petits groupes qui fument et discutent mais personne ne fait attention à moi. Décidément je ne sais pas si le fait que ce lycée soit installé dans un ancien couvent des bernardines mais les garçons ne semblent pas très entreprenants. Rien à voir quand je passe (j’évite) devant Victor Hugo.
Je vais rapidement en me disant que si par hasard je tombais sur lui, il pourrait croire que je l’espionne.
Ou non il me dirait : « ah toi ! Mon rayon de soleil par ce froid soir de décembre, tu es venue me chercher ! Quel bonheur !»
Bref, je tourne dans une petite rue parallèle à la Canebière.
«Bonsoir, fifille»
Qui est cette dame qui me tutoie dans un style hypocoristique et un look terriblement sexy avec ses cheveux platine et sa jupe à mi cuisses ?
Tranquillement, je continue.
Venant vers moi je vois une jeune fille ; elle est plus âgée que moi c’est certain mais pas de beaucoup en revanche elle est très maquillée avec un look très sombre.
« Bonsoir, amour, tentée par Sapho ?»
J’en reste baba.
Je suis absolument terrifiée non par la situation que je vis mais par la pensée que je viens d’avoir.
Elle est mignonne, ai-je pensé, avec ses cheveux noir et ses yeux noirs tristes qui tranchent sur la paleur de son visage. La seule touche de couleur est son rouge à lèvres. Curieuse, cette attirance soudaine vers ces êtres gothiques que je n’avais pas jusqu’à présent.

Non, ne croyez pas que je suis une petite sainte Nitouche je sais que des femmes vendent leur charmes depuis la nuit des temps et qu’il existe des amours féminines. Mais qu’on me fasse une telle proposition en life me gène ou du moins me surprend.
Je me réfugie au milieu de la chaussée et je cours vers le bout de la rue.
Arrivée sous les lumières de la Canebière, je ris (vous savez que je suis très rieuse sauf dans un cas). Quelle sotte je fais ! Personne ne veut m’attaquer. J’étais à 50 m de la Canebière. Pas du tout dans les quartiers chauds et interlopes de Marseille.
En revanche je comprends pourquoi les garçons de ce lycée ont un comportement curieux avec les filles sages (comme moi).
Je sais ce qu’il me reste à faire pour un jour prochain.
Je mets mes bottes (désolée mais je n’ai pas de cuissardes), une bonne couche de rimmel bleu océan, les lèvres enduites d’un rouge Ferrari. Inutile de me proposer du rose à joues, je rosis naturellement.
Je mettrai sans doute une paire de mouchoir pour me rehausser la poitrine.
« Alors beau brun ténébreux, tu causes ?»
J’éclate de rire cette fois sous le regard ahuri des passants.
Peu m'en chaut, je suis heureuse sans trop savoir pourquoi.
Voilà Flammarion, j’achète mon bouquin et je déambule un peu dans les allées.
Tiens, le fameux Kama Sutra dont me parlait ma copine. Voyons ce qu’il dit.
Bé c’est normal qu’une jeune fille s’instruise tout de même. Car ce n’est pas avec la sexualité des moules et la reproduction des petits pois que j’ai appris quelque chose de la vie.
Ah ! Une échelle de l’intensité amoureuse d’un homme :
1. Amour de l'oeil. (C’est quand ça fait Dzzibbb
2. Attachement de l'esprit. (Il pense quelquefois à moi)
3. Réflexion constante. (Il pense très souvent à moi)
4. Absence de sommeil. (Je hante ses rêves
5. Emaciation du corps. (Il pense tellement à moi qu’il en oublie le manger)
6. Dégoût des plaisirs et divertissements.
7. Mise à l'écart de la pudeur.
8. Folie.
9. Défaillance.
10. Mort.
Humm il doit en être au stade 2 vu qu’il semble parfois absorbé par ses pensées.
N’y aurait il pas des recommandations pour attirer un amoureux timide dans ce livre sulfureux ?
Il y a un chapitre entier sur les morsures !
Et un autre sur les coups d’ongles !
Ca alors !!!
Ce livre semble codé on y parle de lingam , de femme-cheval et de congrès. Je n’y comprends rien.
Ouch il me semble qu’il y a beaucoup de gens qui me regardent d’un air sévère, passons ailleurs.
Allez hop, la porte d’Aix et mon 26, puis direction le plateau de la Viste.
Sur le cours Belsunce, je m’achète un cornet de marrons chauds.
«Tu en veux un ?»
«Merci» dit-il en posant sur moi un regard aussi chaud que ces marrons.
Moi, je crois que je suis au stade 8.
S'acò's pas vuei, sara deman.
Et je ris encore.