Erreur de casting, un nouveau cauchemar de Darwin
Cauchemar de Darwin, c’est en référence au film documentaire de Hubert Sauper décrivant les conséquences dramatiques de l’introduction irréfléchie dans les années 50 de la perche du Nil dans le lac Victoria en Tanzanie qui avait éliminé les espèces locales de poissons, et Darwin grande ville du Nord de l’Australie, qui est aussi en première ligne pour affronter un nouveau fléau qui s’abat sur l’île continent.
"Un homme averti en vaut deux !" Ce proverbe n’a aucun cours chez les aussies qui n’ont rien retenu de leurs déboires avec les lapins au début du siècle passé, qui introduits sans précautions se sont mis à proliférer jusqu’à devenir un véritable fléau, à tel point que l’on a du créer le virus de la myxomatose pour parvenir à les éradiquer .
Les leçons du passé sont bien vites oubliées quand des apprentis sorciers ont cherché un moyen peu onéreux pour éliminer les hannetons locaux qui se régalaient des plants de canne à sucre plantés pour développer l’agriculture du Nord Ouest de l’Australie. C’est ainsi qu’en 1935 on fit venir quelques dizaines de couples de crapauds buffles (bufo marinus) originaires d’amérique du Sud .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bufo_marinusIls espéraient que les gros batraciens, qui ne mesuraient que 10 cm pour les mâles et 14cm pour les femelles à l’époque, règlent leur compte aux maudits coléoptères.
Au lieu de s’échiner à traquer les hannetons, proies plutôt difficiles, ils ont trouvé bien d’autres insectes, vers et limaces à gober et ont commencé à se multiplier. Une femelle pont 10 000 œufs par an, et un têtard ne met que un mois pour devenir un petit crapaud à quatre pattes. Dans leur milieu naturel d’origine, seule une petite partie survit, les lézards, oiseaux, serpents et autres caïmans se nourrissant du reste. C’est bien ce qui s’est passé en Australie, sauf que serpents, crocodiles et varans succombèrent dès qu’ils avalèrent ces petits crapauds. Tout comme une grande partie de la faune locale, les crapauds importés sont très venimeux, secrétant un venin, la bufoténine, substance hallucinogène et mortelle contenue dans les verrues situées sur le dos et dans les glandes parotoïdes derrières les yeux. Mais les prédateurs locaux ne sont malheureusement pas immunisés contre ces toxines d’importation et ne peuvent pas lutter efficacement à moins de mourir contre les hordes de crapauds se multipliant sans relâche. On estime leur nombre actuel à environ 200 millions en Australie , sur une surface couvrant plus de 1,2 millions de km2, depuis Brisbane jusqu’à Darwin dans le Nord du pays.
Mais le cauchemar ne s’arrête pas là, car les animaux sans prédateurs ont muté et leurs pattes arrières ont grandi de 25%. Les crapauds buffles australiens ont également fort grossi (1kg en moyenne) et certains atteignent même les 2kg et la taille d’un ballon de football ! Ils sont capables de parcourir 1,5 km par jour en sautant et envahissent progressivement tout le territoire australien à raison de 60 km par an, tout en perturbant gravement les écosystèmes. S’adaptant également à l’environnement urbain, ils envahissent peu à peu les villes et les banlieues, et bientôt Perth, Adelaïde et Melbourne seront aussi investies, et chats et chiens seront les premières victimes de l’invasion.
Les australiens commencent à se mobiliser, et l’une des occupations des week ends est devenue la chasse aux crapauds à l’aide d’une 22 long rifle. On tente d’attraper les crapauds en les attirant avec des chants préenregistrés de congénères, ou dans des pièges dont le fond bascule dans une trappe sous leur poids après qu’il aient été attirés au fond par les insectes nocturnes tournoyant autour d’une petite ampoule. Les crapauds sont ensuite congelés, stockés et broyés pour servir d’engrais liquide, mais rien n’y fait, ils sont quand même de plus en plus nombreux et continuent leur avancée. Des recherches sont entreprises pour éliminer scientifiquement les créatures, dont des recherches génétiques pour diminuer la fécondité et le nombre de femelles et d’autres pour créer un virus spécifique capable d’anéantir un maximum de ces batraciens mutants comme l’avait fait la myxomatose avec les lapins.
On espère aussi que peu à peu , la faune locale s’adaptera à la toxicité des nouveaux arrivants et réduira naturellement leur surnombre. Le varan immunisé pourra alors dire au crapaud l’implorant : "y’a pas de Coâââ !". Mais combien d’années encore avant que la nature rétablisse d’elle-même les fragiles équilibres dans les écosystèmes. Rendez vous dans quelques dizaines ou quelques centaines d’années.........