Envie de partager avec vous un très beau récit de Gabriel Garcia Marquez, je l'ai lu dans la langue de Cervantes mais j'ai trouvé cette description en français assez fidèle à l'âme du texte : ‘’El ahogado más hermoso del mundo’’
(1968)
(“Le noyé le plus beau du monde”)
Nouvelle de 8 pages Sur une côte désolée, des villageois trouvent un noyé au corps de géant et si beau que les femmes lui taillent un pantalon et une chemise, se plaisent à imaginer sa puissance sexuelle, lui donnent même un nom : Esteban. Puis elles le voient embarrassé par son corps et enfin aussi pitoyable que leurs époux. Mais, quand ceux-ci veulent le jeter à la mer, elles le couvrent de reliques, ce qui amène les hommes à le vénérer eux aussi. On lui fait des funérailles magnifiques après lesquelles ils se sentent transformés, améliorés.
Commentaire Le récit se fait d’une seule coulée, la chronologie est linéaire, le point de vue est objectif avec un passage où le noyé lui-même prend la parole (ou est-ce l’auteur qui intervient?). La langue est riche, la phrase est fluide. La région est celle que peint toujours Garcia Marquez : une péninsule de Colombie, d’où l’allusion à sir Walter Raleigh, l’Anglais qui a découvert ces côtes au XVIIIe siècle mais qui devient ici le symbole des «gringos» puisqu’on lui donne «l’accent yankee». Le comportement des femmes traduit la frustration dont elles souffrent, qui les pousse au rêve, qui les transforme, les améliore, leur inspirant la honte de leur misère, de leur mesquinerie : ils vont vouloir désormais être dignes de ce visiteur qui leur a révélé une autre dimension, qui les a grandis : le noyé est ainsi une sorte de messie venu les sauver de leur médiocrité, de leur petitesse (ce n’est pas pour rien que c’est un géant).