si vous n'avez pas entendu vos potes gronder, voici pour vous un aperçu extrait du monde.fr
Le conseil général des Bouches-du-Rhône fait la chasse aux "profiteurs"
Article paru dans l'édition du Monde du 26.07.05
Le conseil général des Bouches-du-Rhône a entrepris une réorganisation complète de son action en direction des allocataires du RMI, avec pour objectif de mieux contrôler les parcours d'insertion des 69 200 bénéficiaires recensés dans le département.
Lisette Narducci, conseillère générale (PS) chargée de l'insertion, explique que le département doit dépenser 406 millions d'euros en 2005 pour le RMI, dont 53 pour l'insertion. A la fin 2004, le paiement de l'allocation enregistrait un déficit de trésorerie de 14 millions d'euros. Et il devrait croître : pour le premier trimestre 2005, l'écart entre le montant payé aux allocataires et les recettes perçues de l'Etat s'élevait déjà à 13 millions d'euros. Selon Mme Narducci, qui insiste sur "la responsabilité du gouvernement" , il devenait urgent de mettre en place "une réorganisation en profondeur pour contenir le nombre de RMistes et accélérer les sorties du dispositif vers l'emploi".
Dans cette perspective, une convention a été signée en janvier avec l'ANPE afin d'intégrer dans le monde du travail 2 500 personnes cette année. Parallèlement, le conseil général a créé une direction de l'emploi et a rationalisé son dispositif externe : on est passé de 17 commissions locales d'insertion (CLI) à 10 pôles territoriaux.
A cette "insertion améliorée" , annoncée comme la "priorité des priorités" par le président du conseil général, Jean-Noël Guérini (PS), s'ajoute une volonté de contrôle plus strict des allocataires. "Je serai intransigeant avec les profiteurs" , a-t-il déclaré. D'après le département, seulement 23 000 RMistes sont inscrits à l'ANPE. Un deuxième tiers de bénéficiaires n'est pas apte au travail pour diverses raisons (santé, âge...). Quant aux autres, le conseil général souhaite être mieux informé sur leur situation.
Ses services se sont penchés sur la liste des personnes inscrites dans le dispositif. Ils ont pu ainsi connaître tous les RMistes et s'attaquer aux "situations anormales". Celles de 1 300 personnes âgées de plus de 65 ans ou de 6 000 étudiants qui ne peuvent bénéficier du RMI, et que le conseil général a commencé de contacter pour les "orienter vers les aides qui les concernent" . Celles de personnes inscrites dans le dispositif depuis sa création en 1989, à peu près jamais revues depuis et dont le courrier revient barré de la mention "NPAI" -n'habite pas à l'adresse indiquée-. Selon Mme Narducci, il y en aurait plusieurs milliers. Trois lettres recommandées successives leur seront adressées et, en cas de non-réponse, le versement du RMI sera suspendu.
"ARGENT PUBLIC"
Cette réforme a provoqué la colère de l'association de défense des chômeurs de la CGT. Son porte-parole, Charles Hoareau, parle de "la radiation pure et simple de dizaines de milliers de RMistes" et s'insurge que "le conseil général cherche à faire des économies sur le dos des plus défavorisés" .
Choqués par le fait que cette réforme ait été préparée depuis plusieurs mois "sans concertation interne de leur service" , les syndicalistes CGT-FSU du conseil général s'interrogent sur les analyses de la direction du département : "Sur quelles études le conseil général s'appuie-t-il pour découper en tiers "récupérable" ou pas les bénéficiaires du RMI et cautionner leur stigmatisation ?"
Ils s'insurgent aussi du changement de nature de leur mission avec cette formule : "Trente créations de postes pour 30 000 contrôles en 2005, mais aucune création de postes de travailleurs sociaux pour accompagner les usagers et des moyens de plus en plus réduits pour les actions d'insertion."
Un collectif de travailleurs sociaux, créé à l'automne 2004, s'était inquiété des orientations du département, estimant qu'elles "mettaient en cause le principe fondamental du droit à un revenu minimum et à la solidarité nationale en ce qu'elles font abstraction de la réalité socio-économique et des conditions de vie des allocataires".
Mme Narducci réfute ces critiques en énumérant une longue liste de réunions préparatoires à la refonte du système. Et elle ajoute "qu'être de gauche, c'est faire en sorte que l'argent public soit géré dans la rigueur pour qu'il profite à ceux qui en ont réellement besoin" .
Michel Samson
Article paru dans l'édition du Monde du 26.07.05