Après avoir écrit un souvenir lié aux vieux cinémas de Marseille dans le fil consacré à sujet, j'ai vu que certains ont souhaité lire d'autres récits du même genre. Je vous propose donc quelques uns de mes souvenirs dans années 50, en espérant que quelques personnes s'y retrouveront.
Mes premiers souvenirs, s’ils ne me trahissent pas, prennent naissance dans cette ville de Marseille. Mes parents y ont habité plusieurs années, mon père, alors CRS, y avait été affecté. A sa demande ? Je ne sais pas et plus personne n’est aujourd’hui vivant pour me donner la réponse. L’incertitude demeure aussi sur l’âge que j’avais alors. Je pense que j’ai dû être marseillais entre 2 et 7 peut-être 8 ans. Mes premiers souvenirs remontent donc à cette époque. Réels ou fabriqués par les récits et les photos conservés de ce temps ? Probablement un peu des deux.
Je garde un souvenir assez flou du petit meublé où nous logions, rue Sénac, une rue qui donnait sur la Canebière, quelques dizaines de mètres avant l’église des Réformés : L’hôtel du Capitole. Le numéro ? Un numéro impair, je crois, mais cela ne me revient plus précisément en mémoire. Je crois me souvenir d’une chambre, assez grande, où se trouvaient le lit de mes parents et sans doute aussi le mien. Une petite cuisine était attenante, sur la gauche de la chambre, lorsqu’on regardait vers les fenêtres et la rue.
Pas de pièce d’eau dans notre meublé, la toilette se faisait vraisemblablement dans la cuisine. Les toilettes étaient sur le palier, un étage en dessous – je crois que nous habitions au 2è ou 3è étage-. Cela me procura de belles frayeurs lorsque, de nuit, il me fallait descendre ou remonter des WC, et que, la lumière s’éteignant, je me retrouvai soudainement dans l’obscurité d’un escalier devenu le terrain d’action de monstres ou de malfaiteurs en tous genres.
Quand je rentrais de l’école, j’étais souvent seul chez nous. Ma mère travaillait dans un petit atelier de fourrure, pas très éloigné, ce qui me permettait malgré tout d’aller la voir quand je voulais. Mon père était souvent en déplacement. Il faut croire que les enfants, à cette époque, était plus autonome qu’aujourd’hui et qu’on les laissait, dès leur jeune âge, se débrouiller seul.
L’école finie, donc –je n’ai pas souvenir de quelconques devoirs à faire ! -, les parents au travail, j’allais vite retrouver mon terrain de jeu, ma terre d’aventure, mon domaine de plaisirs et de découvertes, mon paradis personnel (et celui de mes copains) : la rue !
La rue c’était d’abord la nôtre, la rue Sénac, avec ses boutiques, ses commerces plutôt, et leurs vitrines modestes mais alléchantes. Celle du marchand de bonbons garnie de bocaux énormes renfermant toutes sortes de bonbons, multicolores, aux goûts et aux formes variés. Nous y achetions aussi la délicieuse réglisse en bâtonnet à mâchouiller ou en rouleau noir avec un petit bonbon bleu ou rouge au centre. Au coin de la rue, la crèmerie (j’ai retrouvé 50 ans plus tard, sa porte de bois taguée, mais l’inscription en belles lettres se distinguait encore au-dessous) où lait frais, crèmes, fromages, beurre, dégageaient tous leurs parfums. La droguerie recelait des trésors dans ses hauts rayonnages croulant sous toutes sortes de produits un peu mystérieux, aux odeurs fortes que nous respirions avec désagrément et plaisir à la fois. Nous y achetions les précieux élastiques, qui, noués autour du pouce et de l’index, devenaient de redoutables propulseurs de papier plié, armes suprêmes de tous nos affrontements glorieux, de tous nos combats d’enfants.